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Les observateurs

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Les observateurs
3 mai 2017

Promis juré...

Source: Externe

Dimanche, nous voterons pour élire le ou la prochain-e président-e de la République. La campagne fut balancée entre les affaires dans lesquelles étaient empêtré l'ex candidat favori, et l'incroyable sentiment d'impunité de la candidate frontiste, laquelle semble toujours bénéficier d'une grande mansuétude face aux aaccusations de blanchiment de fraude fiscale, de détournement de fonds publics, d'emplois fictifs, etc. Il est vrai que ladite candidate a eu la sagesse d'abandonner le slogan historique du "tous pourris".

Ce contexte n'a pas incité pas, à un débat serein sur les propositions des différents candidats en matière de justice, et particulièrement de justice pénale. La parole politique, dans sa globalité, est discréditée.

En 2012, François Hollande avait pris 60 engagements, dont un certain nombre concernaient la justice pénale.

Au crépuscule de ce quinquennat, quel bilan faire de ces promesses ? En premier lieu, il faut bien remarquer, avec un certain étonnement pour ma part, que la majorité de ces promesses ont été tenues. Les peines planchers ont été abrogées et une peine de probation a été créée (L. n° 2014-896 du 15 août 2014), l'interdiction des instructions individuelles du garde des Sceaux aux parquets a été codifiée (L. n° 2013-669 du 25 juill. 2013, C. pr. pén., art. 30), le soutien financier aux associations de victimes renforcé (L. n° 2016-731 du 3 juin 2016, C. pén., art. 132-20 et C. pr. pén., art. 707-6). La durée de la peine complémentaire d'inéligibilité a été portée à dix ans pour les élus condamnés pour corruption (L. n° 2013-907 du 11 oct. 2013, C. pén., art. 131-26-1), les bureaux d'exécution des peines ont été généralisés (L. n° 2014-896 du 15 août 2014, C. pr. pén., art. 709-1), des bureaux d'aide aux victimes et d'accueil unique du justiciable ont été créés, les tribunaux correctionnels pour mineurs supprimés (L. n° 2016-1547 du 18 nov. 2016).

Mais, pour des raisons diverses et variées, d'aures engagements, parmis les plus ambitieux, ont été oubliés : mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction, réforme d'ampleur du droit des mineurs (pas de doublement du nombre de centres éducatifs fermés non plus), suppression de la Cour de justice de la République (dont le candidat Hollande, rappelons-le, disait que la composition « crée un doute sur l'impartialité », AFP/Le Monde, 6 févr. 2012), revalorisation de l'aide juridictionnelle et diversification de son financement, réforme constitutionnelle sur l'indépendance du ministère public et le statut pénal du chef de l'État, refonte de l'exécution des peines.

Mais on retiendra naturellement de ce quinquennat la multiplication des lois de "réaction" face à la concrétisation de la menace terroriste après les attentats de janvier 2015 puis de novembre 2016, avec le changement de politique criminelle qui en a résulté. Le renseignement, la sécurité intérieure, le droit pénal et la procédure pénale ont été durablement marqués : concrètement par un fort renforcement des pouvoirs d'enquête notamment, théoriquement par la convergence de ces matières au détriment, parfois, de leur cohérence protectrice (L. 2015-912 du 24 juill. 2015 relative au renseignement, L. n° 2014-1353 du 13 nov. 2014, L. n° 2016-731 du 3 juin 2016 et bien entendu Décr. n° 2015-1475 du 14 nov. 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avr. 1955 et les différentes prolongations de l'état d'urgence, dont l'application est actuellement prévue jusqu'au 15 juill. 2017). Le problème a été qu'en deux ans et demi, les pouvoirs exécutifs et législatifs ont toujours paru courir après les terroristes, parfois même avec des projets mal négociés, comme l'était la proposition de déchéance de nationalité, qui fractura, de manière "éclatante" (si je puis me permettre ce jeu de mot) et durable la gauche.

S'agissant, des questions budgétaires et d'effectifs, en 2011, la justice judicaire comptait 31 018 fonctionnaires et l'administration pénitentiaire 35 057. En 2016, le premier chiffre n'a quasiment pas bougé (32 000 fonctionnaires), tandis que les effectifs de l'AP ont augmenté de 10% (plus de 38 000 fonctionnaires). La France comptait, toujours en 2011, 12 juges pour 100 000 habitants, et seulement 10,5 en 2016 (Rapport Cepej 2016 : AJ pénal 2016. 452). Au final, le constat, fait en 2012, d'une justice qui n'a pas les moyens financiers et organisationnels de fonctionner correctement perdure. Sa crédibilité et son impartialité sont toujours mises en cause. L'institution et les professionnels de la justice souffrent. Et pour la police ? De 2007 à mai 2012, les effectifs de policiers et de gendarmes avaient subi une baisse sans précédent de 13.000 postes. Depuis 2012, 12.000 postes ont été recréés.

Au titre du bilan de cette mandature, force est de constater que malgré des moyens restaurés, la charge de travail, elle, a considérablement augmenté dans notre pays en état d'urgence depuis près de deux ans.

Au plan déontologique, enfin, il est à saluer que policiers et gendarmes ont un code de déontologie commun, des moyens supplémentaires sont dédiés à la formation mais doivent également faire face à de nombreuses, et nouvelles, obligations, tout à fait légitimes éthiquement, comme le nouveau dispositif de caméras-piétons mis en place après la désormais "célèbre" affaire Théo, mais qui alourdissent considérablement la charge de travail, et le sentiment de rupture de confiance.

Mais si le président de la République est allé visiter le jeune Théo, justement, et a eu des paroles très fortes à son sujet, il est surprenant, pour ne pas dire plus, que le même président ne se soit pas rendu, après qu'un CRS se soit retrouvé, le 1er mai, immolé par des criminels, masqués et armés à l'avant d'une manifestation qui se voulait pacifique.

Espérons ainsi qu'au-delà des promesses tenues, Emmanuel Macron, que j'espère voir êtré élu dimanche sache sortir de la politique de la calculette, engager des réformes structurelles et retisser ces liens fondamentaux qui doivent unir les françaises et les français aux actrices et aux acteurs de l'Etat de droit. Cela ne peut passer par des centaines de milliers de postes de fonctionnaires en moins. Cela ne peut pas non plus passer par un empilement normatif...

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13 février 2017

François Fillon, le pénélopegate et les indulgents...

Source: Externe

Pourquoi fait-on de la politique ?

Par volonté d’avoir en garde la sécurité, la solidarité, la prospérité, la sérénité d’une population ? Être placé à la tête d'un grand État pour veiller sur lui, pour le protéger, pour le défendre ? Ou le livrer pendant cinq années entières, par intérêt politique, par combinaison électoraliste ou par dogmatisme, aux peurs, aux haines, aux divisions ?

La politique est devenue la chose d’une forme d’aristocratie. Une noblesse féodale bien plus puissante que celle du moyen-âge, bien plus implacable. En France, on peut ainsi être l’actionnaire d’un groupe d’armement dont l’État est le client principal, et sénateur. On peut cumuler à l’envi, durant des décennies entières, des mandats. On peut, à l’instar de certains « barons », être maire, président de métropole, président de conseil départemental, d’une trentaine de sociétés d’économie mixte, et parlementaire.

On peut aussi reprendre la succession du père, de la mère, du grand-père, à la mairie, au palais Bourbon, ou à celui du Luxembourg. Ce sont toujours les mêmes, issus des mêmes écoles, qui « trustent » les postes, les places, les fonctions. Député, sénateur, préfet, ministre, etc. Et même lorsque ces gens ne se font pas élire, ils sont nommés aux postes les plus prestigieux de l’administration.

Oh, ce n’est pas nouveau ! Montesquieu dénonçait déjà ce fait comme étant l’avènement d’une aristocratie sans titre ni droit. Oh, le Front National ne fera pas mieux, bien au contraire. Qui sait que 25% des élus locaux de ce parti ont déjà quitté celui-ci, dégoutés par ses méthodes ? Le FN est une affaire de famille. Une famille qui en appelle sans cesse au peuple, à la nation, mais qui a érigé l’opacité fiscale en principe, produit de l’emploi fictif en série.

François Fillon a, depuis 40 ans qu’il vit de la politique, sans cesse accusé « la gauche » de ruiner la France, d’utopie, bref, de « construire de châteaux en Espagne ». On le sait, lui a préféré acheter un manoir dans la Sarthe.

N’est-ce pas la succession d’hommes et de femmes politiques, de Patrick Balkany à François Fillon, en passant par Serge Dassault, Jérôme Cahuzac ou Maryse Joissains, qui ont dévoyé leurs fonctions ? Et encore, s’agit-il de la courte liste de celles et ceux qui ont eu ou auront, après des décennies de protection, à rendre des comptes.

Monsieur Fillon, par la voix de ses avocats, réclame, en plus de son immunité parlementaire, une impunité judiciaire et politique. La séparation des pouvoirs, ai-je pu entendre, fait que « le parlementaire est le seul maître ». Oui, « maître ». Je vous l’ai dit, la France est sous le joug d’une nouvelle féodalité.

Mais d’autres mettent plus en danger l’État que la poignée de fraudeurs.

Ce sont ceux qui ferment les yeux et la bouche. Ceux qui les tolèrent. Ceux qui les couvrent. Ceux qui leur accordent leur indulgence, qui le font pour continuer à occuper une partie du pouvoir, ou que leur parti continue à occuper le pouvoir, la faute est tout aussi mortelle.

Il ne s’agit même pas de droit à l’oubli après une condamnation, de présomption d’innocence, ou d’amnistie, mais de silence sur les fautes, de soutien plus ou moins explicite.

Depuis trois semaines que dure l’affaire dite « PénélopeGate », j’ai été en contact avec une quinzaine de parlementaires des « Républicains ». Toutes et tous m’ont dit leurs doutes. Leur stupéfaction. Mais aucun n’envisage de lâcher François Fillon « on ne va pas se priver de la campagne des présidentielles, quand même ! Et si Fillon tombe, alors ce sera la bérézina aux législatives »

Il y a d'autres malhonnêtetés que le détournement d’argent. La confiance publique aussi est un bien public. En continuant à soutenir François Fillon, Les Républicains savent qu’ils trompent la confiance de leurs électrices et leurs électeurs, préférant prendre celles-ci et ceux-ci pour des imbéciles, en livrant la presse et la justice au mépris populaire.

Les dangers publics ne sont pas la minorité de malfaiteurs qui investissent les dorures des palais nationaux. Ce sont les indulgents. Ceux qui, pour bénéficier de prébendes, pour garder leur siège ou leur présidence, se bouchent le nez.

En 2017 ou à date ultérieure, l’histoire ne doit pas oublier de les juger, eux aussi.

8 juin 2016

Mais que fout Foucault ?

Que ceux qui ne connaissent pas Michel Foucault lèvent le doigt et soient punis !

 

Michel Foucault1, né le 15 octobre 1926 à Poitiers et mort le 25 juin 1984 à Paris, est un philosophe français. Il est l'auteur majeur des recherches en sciences sociales du XXème sièce.

En contradiction avec d'aures auteurs, psychiatres, psychanalystes, ou philosophes, Foucault a élaboré une histoire de la perversion prise comme un tout. Non pas une perversion particulière, comme l'homosexualité masculine ou le sado-masochisme, mais la perversion en soi. Il a donc élargi l'analyse de façon considérable. Il a produit, non pas une théorie de l'histoire de l'homosexualité, mais une sorte de théorie générale du champ de la sexualité.

Et il a relié quatre évolutions extrêmement importantes, relativement autonomes, mais liées en profondeur : les luttes contre la masturbation et la reconfiguration de la sexualité infantile ; la médicalisation de la variation sexuelle et sa transformation en perversion sexuelle ; la réorganisation du rôle des femmes et de la famille ; et l'intrusion croissante des États-nations dans la vie biologique des citoyens. Tout cela nous semble évident aujourd'hui, mais à l'époque, la façon dont Foucault a articulé ces phénomènes était à la fois extrêmement claire et audacieuse. Il a également brillamment saisi les liens entre l'émergence de la sexualité et l'émergence de théories et de politiques raciales, et il a vraiment bien vu comment s'articulaient les discours émergents sur le sexe et sur la race, et la relation qu'ils entretiennent avec le développement de la médecine et le développement du contrôle exercé par l'État. Son  uvre théorise le racisme d'État, qui certes n'était pas le thème central du livre, mais en était bien un thème central. Et il a, je crois à très juste titre, vu que Freud s'opposait aux théories de l'hérédité que l'on trouvait dans à peu près toute la sexologie de la fin du 19e siècle. Dans ses Essais de 1905, Freud cite les figures les plus importantes de la littérature sur la perversion, mais sa position le distingue de la plupart de ces auteurs. En particulier, il rejette les conceptions alors hégémoniques suivant lesquelles les « aberrations » sexuelles sont congénitales ou sont une forme de dégénérescence. Alfred Binet aussi pensait que la variation sexuelle est acquise, puisqu'il disait que le fétichisme était acquis. L'immense majorité des autres auteurs du temps défendaient l'idée que les « aberrations » étaient héritées. Foucault a très bien vu que Freud s'opposait à ces théories.

J'aime aussi profondément sa conception très anthropologique de la classification. L'une des premières choses qu'apprennent les anthropologues, c'est que différentes populations ont différentes manières de classifier le monde, et que le fait que nous soyons élevés avec l'une de ces classifications ne signifie pas que le monde est vraiment classifié comme nous le voyons. Foucault a repris cette idée anthropologique fondamentale qui veut que les classifications soient arbitraires, historiquement et culturellement contingentes, et l'a appliquée à la sexualité. Ce qui lui a permis de formuler cette idée très subtile ­ et c'est une idée que je n'ai pas fini d'intégrer puisque j'ai tendance à utiliser « sexualité » comme un terme descriptif renvoyant à tout ce qui a trait au désir, aux organes génitaux, à l'orgasme, etc. ­ que sous la catégorie de ce que nous appelons « sexualité », nous rangeons des éléments divers auxquels nous donnons un nom, et nous pensons qu'ils vont naturellement ensemble. Dans d'autres époques ou dans d'autres cultures, ces assemblages sont divisés, arrangés et organisés différemment. Autrement dit, cette chose à laquelle nous donnons le nom de « sexualité » n'existe pas ! Son approche de la classification le situe à la fois dans la tradition anthropologique et sociologique française : je retrouve souvent dans son travail les traces de Durkheim ou de Mauss.

Enfin, Foucault a vu que le sexe, et le système des partenaires sexuels, est déployé de façon très différente dans les sociétés de parentés et les « sociétés de sexualité ». Les sociétés occidentales industrielles modernes ont refaçonné toute la gamme des expériences corporelles et des pratiques sociales pour en faire des choses très différentes. Depuis la deuxième moitié du 19e siècle, les plus grands noms des sciences sociales, comme Marx, Durkheim ou Weber ont tous essayé de comprendre pourquoi nos sociétés occidentales industrielles modernes sont si différentes des sociétés traditionnelles. Et en réalité, ce qu'a fait Foucault, c'est ajouter la dimension sexuelle à la série fondamentale de questions qui ont intéressé les sciences sociales dès l'origine.

12 décembre 2009

Les anti-IVG recyclés par Roselyne Bachelot ?

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On ne pouvait pas faire de pire casting... Le ministère de la Santé vient d'annoncer la nomination, à la tête de EPSMM (Etablissement public de santé mentale de la Marne), de monsieur Xavier Dousseau. Le nom ne vous dit sans doute pas grand chose. Mais cet homme est loin d'être inconnu, tant pour ses collègues que pour la justice.

Xavier Dousseau est en effet un intégriste catholique, fanatique de la cause anti-IVG. A tel point qu'en 1995, il n'avais pas hésité, alors qu'il était directeur adjoint de l'hôpital de Valenciennes, à faire pénétrer un commando de "fous de dieux", et à s'enchainer, dans une salle d'intervention du pavillon IVG de son établissement, privant ainsi les patientes des soins dont elles devaient bénéficier.

Arrêté, l'activiste anti-IVG déclarait assumer : "il a choisi de franchir la barrière de la légalité pour rejoindre la justice, car il pense que la loi Veil est contraire à la justice" plaidait son avocat. Cet acte avait créé une grande émotion, et le tribunal correctionnel avait été jusqu'à le condamner à une peine d'emprisonnement ferme. Peine réformée en appel, en 18 mois d'emprisonnement avec sursis, pour avoir "jeté le discrédit sur le service public hospitalier", selon les magistrats.

La réintégration, dans un établissement de santé mentale, de ce militant de la droite dure est un mauvais signe, une agression politique même, quand, dans le même temps, l'Etat menace, au travers de la loi HPST par exemple, un grand nombre de centres d'IVG.

Immédiatement, Marie-Georges Buffet interpellait Roselyne Bachelot : "considère t-elle que ces actions ne sont pas graves ? Est-ce un signe pour justifier les actions contre l’avortement ? Jusqu’où ce gouvernement est-il prêt à aller dans l’absence d’éthique et la régression idéologique ?"

Pour Eric Loiselet, tête de liste dans la Marne, d'Europe Ecologie Champagne-Ardenne, il y a de quoi s'inquiéter : "alors que l'on assiste à la multiplication des fermetures des centres d'IVG en France, Mme Bachelot envoie un message négatif aux femmes à travers cette nomination. Il faut sans attendre clarifier les choses, afin qu'aucune femme, en Champagne-Ardenne, ne se sente menacée dans ses droits les plus élémentaires, dans sa liberté de disposer de son corps".

Petit à petit, la remise en cause du droit à l'avortement est de plus en plus visible. Jusqu'où iront les intégristes, les fous de dieu, dès lors qu'ils se savent soutenus par le ministère de la Santé ?

6 mai 2008

Noël Mamère : "Faut-il fêter Mai 68 ?"

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Par Noël Mamère

(Les Verts)

   

Depuis des semaines, « ils » nous gavent. Comme des oies qui auraient besoin d’être survitaminées avec une hormone appelée Mai 68. Mai 68 devient une série de clichés mondains : Des jeunes filles en mini -jupes et des garçons en jeans écoutent les Beatles et les Rolling Stones, ils se révoltent contre leurs parents et maîtres, en criant CRS SS. Ce réductionnisme transforme mai 68 en un gentil monôme, apparenté à la seule libération des mœurs et de la culture occulte l’histoire, au profit du narcissisme dfun milieu parisianiste qui a mal vieilli. Comme toujours, Nicolas Sarkozy a pris la tête du mouvement.

Rappelez vous, c’était il y a un an, presque un siècle, à la fin de sa campagne, il avait promis de « liquider Mai 68 ». Cela ne voulait strictement rien dire, bien entendu. Il faisait un cadeau à son électorat d’extrême- droite ou de la droite rancie. Alors pourquoi s’en priver ? Les quelques phrases assassines de ce discours lancèrent en quelque sorte les commémorations officielles du quarantième anniversaire des dits « évènements ». Des livres par dizaines sont publiés. On enregistre des centaines d’heures de radio et de télévision où lfon voit toujours les mêmes personnages raconter « leur » mai 68, comme les derniers poilus de 14-18. Les mêmes « experts », sociologues ou philosophes, interviennent en contrepoint pour mettre en perspective le joli mois de Mai. Pour ceux qui, comme moi, nfont pas été à l’époque sur l’avant - scène, cela paraît totalement surréaliste. Mais pour mon fils, cette incongruité le renvoie à une préhistoire où tout serait d’insouciance, où on se révolterait parce que lfon s’ennuie des avantages acquis.

Une sorte de paradis perdu d’où lfon sort en allant s’éclater à Woodstock. Rien n’est plus faux, évidemment. Une génération venait de connaître 8 ans de guerre d’Algérie. Des dizaines de milliers de personnes vivaient dans les bidonvilles. Des centaines de milliers résidaient dans les « grands ensembles », produisant déjà les pathologies urbaines qui vont s’amplifier jusqufaux émeutes de novembre 2005. Dans les entreprises, les ouvriers contestaient les « cadences infernales » et les " petits chefs " faisaient régner l’ordre dans un univers où la section syndicale n’était pas autorisée. Les femmes n’avaient pas le droit d’avorter, pas plus qufelles n’avaient droit à la parole. A l’extérieur de la France, c’était déjà la Françafrique de Foccart qui organisait le néocolonialisme. Le peuple palestinien demandait le droit à un Etat tandis que le Vietnam résistait à l’impérialisme américain. A l’est de l’Europe, des millions d’hommes et de femmes subissaient la loi du « socialisme réel ».

  Mais de quoi parle - t-on aujourd’hui dans les médias ? : d’une guerre qui aurait fait des millions ou même des centaines de morts ? Dfun coup d’état qui aurait substitué un pouvoir à un autre, en le maquillant sous la forme d’une révolution ? Même pas. On pourrait se souvenir que Mai 68 fut la plus grande grève générale, spontanément organisée en France et même en Europe au XX ème siècle. Mais, sur les plateaux, de quoi cause - t- on ? : Des ébats de la Sorbonne, de Nanterre, de l’Odéon, de Dany, de Geismar et de quelques autres. Autant dire de l’écume des choses. Cette manière de traiter l’histoire est celle des médias, pas celle des historiens, ni celle des acteurs réels de l’époque, les ouvriers, les paysans, les étudiants. Si Mai 68 fait sens ce n’est pas à cause des « pro -chinois » qui ont retourné leur veste , des trotskistes qufon retrouve à la télévision, au parti socialiste ou dans quelques grandes entreprises, (même si certains comme Alain Krivine nfont rien perdu de la verve de leur prime jeunesse).

Il y eut, c’est vrai , un phénomène générationnel sur toute la planète. Les « baby boomers » n’avaient plus envie d’être élevés comme des veaux de la croissance des « trente glorieuses », mais de s’émanciper de structures conçues par leurs grands parents et leurs parents pour les protéger de la guerre et des souffrances. Ils avaient observé la fin de la décolonisation et ils ne comprenaient pas qu’après la guerre du Vietnam à la française, les Etats Unis s’acharnaient contre un petit peuple en le bombardant au napalm. Mais ils étaient une minorité. Il y avait très peu d’étudiants dans la société française de 68. Les 80 % d’une classe d’âge au bac n’étaient pas encore au programme des socialistes. Les lycéens ne venaient pratiquement pas des banlieues mais des quartiers bourgeois de Paris et des grandes métropoles. Pour les autres, c’était déjà l’usine. C’était un autre temps, dominé par la guerre froide où, entre les gaullistes et les communistes, il n’y avait rien comme on le vit à l’élection présidentielle de 1969, quand le ticket Mendes France /Deferre fit à peine 5 % .

Mai 68, c’est vrai, a permis de faire éclore le féminisme, l’écologie, le libre choix de l’orientation sexuelle, d’autres rapports d’autorité entre les salariés, entre les générations et les sexes. Mais il aura fallu que des milliers de militants continuent sur cette lancée, en refusant l’enterrement de leurs espérances des juin 68. Et ce fût vrai, parce que le souffle de Mai avait balayé les usines, les bureaux et les champs. Le quartier Latin que lfon célèbre aujourd’hui, avait été déserté. Les seuls morts de mai 68 le furent en juin. Gilles Tautin , lycéen parisien mourrait noyé près de l’usine de Renault de Flins ; deux ouvriers de Peugeot-Sochaux, pourchassés par la police, tombèrent en juin... C’est en juin qufil faudrait célébrer l’anniversaire de Mai 68 ! Car c’est dans les périodes de reflux que se construisent les destins d’une société. C’est dans la défaite de juin 40 que le Général De Gaulle trouva les clefs du redressement national.

Comparaison n’est pas raison. Mais pourquoi parler de Mai sans parler de Juin ? Ceux qui refusèrent les accords de Grenelle mirent en pièce l’autorité de la CGT dans les entreprises. Ils annonçaient déjà LIP et ses ouvriers autogestionnaires qui créèrent une coopérative de lutte, inventèrent des formes nouvelles d’organisation. C’est en août 68 que le peuple tchèque résista par la non violence aux chars russes qui enterraient l’illusion d’un communisme à visage humain. C’est en octobre 68 que les noirs américains, Tommy Smith et John Carlos, portèrent au plus haut le combat pour les droits civiques, en levant le point à Mexico, après que plusieurs centaines de jeunes aient été assassinés sur la Place des 3 cultures. On était loin des charmes de la marijuana et de la révolution sexuelle, loin de San Francisco et de la culture underground, loin des images d’Epinal de Paris et de ses pavés dont on nous annonce aujourd’hui qufon pourra les trouver sous forme de chocolat dans une pâtisserie branchée L’histoire est devenue une marchandise, Mai 68 une marque de fabrique pour quelques papys qui racontent interminablement le théâtre de leur jeunesse, imposant le silence aux millions de ceux qui occupèrent leurs entreprises, leurs facs et leurs lycées. Mais l’esprit de Mai, lui, nfa rien à voir avec ce spectacle pour bobos fatigués.

Il vit à travers les ouvriers sans papiers en grève dans leurs entreprises, dans la révolte des lycéens contre la suppression de postes, dans les banlieues en révolte ; Il vit dans les émeutes de la faim contre les spéculateurs et les institutions financières ; Il vit dans le combat des peuples tibétains, birmans, palestiniens, tchetchènes ; Il vit en Amérique Latine où , quarante ans après lfassassinat de Che Guevara, de la Bolivie au Paraguay, du Vénézuéla au Chiapas, les peuples prennent en main leur destin ; Il vit dans les combats des paysans de Via Campesina contre les OGM et pour la souveraineté alimentaire, dans l’écologie des pauvres des Sans terre, du Brésil à l’Inde, dans les luttes pour le droit à l’eau... Partout où l’injustice règne, Mai 68 se traduit par le droit à la révolte, à la résistance, à la désobéissance. Quand c’est insupportable, on ne supporte plus. On a toujours raison de se révolter, comme en Mai 68.


 

Blog de Noël Mamère

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27 février 2008

Sale temps pour les blogueurs ?

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Période électorale et nouvelles technologies obligent, l'on assiste, en ce moment, à une multiplication des plaintes pour diffamation ou injures à l'égard de ce qu'il est convenu d'appeler des "blogueurs".

Le problème est que certaines de ces plaintes sont manifestement mal fondées en droit, et que l'on peut, dès lors, s'interroger sur les réelles ambitions des demandeurs...


Des définitions "largo sensu"

La diffamation concerne "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne", "même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés", faits prévus et réprimés aux articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881.

L'article 35bis dispose que "toute reproduction d'une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire par son auteur". Il faut donc, en préalable, que l'imputation ou allégation originale ait été condamnée judiciairement pour que le dispositif soit opérant.

L'injure, elle, peut être qualifiée de publique ou de non publique. "Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure", dispose l'article 29 de la loi précitée. L'injure porte donc atteinte directement à l'honneur et à la considération de sa victime.

Sanctions et délais de prescription

Dans le cas de la diffamation publique, l’auteur est passible d'une peine d'amende de 12.000 € ainsi qu'aux éventuels dommages et intérêts et dépens (pour la diffamation non publique, contravention de première classe, l'amende est de 38 €).

L'injure, publique ou non publique, est punissable des mêmes peines que celles de la diffamation, soit respectivement 12.000 € et  38 €.

L'action est encadrée dans un délai strict,  puisqu'elle est éteinte passée 3 mois suivant les faits ou leur diffusion au public.

Acte I : Affaire Jégo/Pouey

Le premier cas d'espèce concerne une citation directe émise par Yves Jégo, député-maire de Montereau et porte-parole de l'Union pour un mouvement populaire (UMP), et vise un blogueur et militant socialiste, Yves Pouey, désigné par monsieur Jégo comme n'étant pas "un particulier, puisqu'il est directeur d'école", ce qui pourrait révéler, dès lors, une certaine volonté de régler des comptes.

Dans cette affaire, le demandeur à l'action, monsieur Jégo, fait grief, au défendeur, Yves Pouey, de l'avoir diffamé en ayant dit qu'un candidat socialiste aux élections municipales "n'a jamais grenouillé dans les diverses officines, cabinets et autres distributeurs d'emplois publics réservés. Lui", et "
n'est pas un apparatchik de parti, comme notre porte-parole-député-maire-ump".

Pour que la diffamation soit constituée, il faut une imputation de faits ou une allégation portant atteinte à l'honneur et à la considération. Y a-t-il allégation ou imputation de faits dans les termes employés ? Nullement. Aucun fait n'est évoqué, aucune allégation n'est faite à l'endroit de qui que ce soit. Certes, les mots "grenouiller" ou "apparatchik" pourraient être considérés comme "injurieux", mais ces propos n'ont pas été poursuivis sous la qualification idoine.

Acte II : Affaire Noachovitch/Mandret et Courgenouil

En juin 2007, en pleine campagne pour les élections législatives, le Canard Enchaîné, sous son numéro 4520 (13/06/2007) rapportait des propos imputés à maître Noachovitch lors de la réunion d'un jury litterraire : "Moi, mon mari peu dormir tranquille. Dans ma circonscription, il n'y a que des Noirs et des Arabes. L'idée de coucher avec l'un d'entre eux me répugne". L'affaire fit grand bruit, et fut reprise à de très nombreuses reprises par des blogueurs légitimement choqués par le racisme des propos. Maître Noachovitch annonça avoir déposé une plainte du chef de diffamation à l'encontre de l'hebdomadaire satirique.

Hier, Luc Mandret indiquait sur son blog avoir été mis en demeure, la veille en fin d'après-midi et par mail (sic), de retirer toute allusion à cette affaire sous peine de poursuites. Le même dispositif fut employé à l'encontre du blog Ragzag. Une démarche confirmée et assumée dans le quotidien "Le Post" par l'intéressée.

Et le moins que l'on puisse en dire, c'est que les menaces sont particulièrement mal fondées, une fois encore.

Tout d'abord, la diffamation, si diffamation il y avait, est prescrite. Au bout de 3 mois. Mais, au surplus, les blog susnommés n'ayant fait "que" répercuter les informations contenues dans "le Canard Enchaîné", c'est l'article 35bis qui devrait s'appliquer. Or les propos imputés par l'hebdomadaire n'ont jamais été jugés.

Tout le long du "discours" de l'avocate, l'esprit de juriste qui anime chacun d'entre-nous se retrouve heurté.

Il est fait mention de poursuites (dans un moyen autonome) pour "non respect des droits et de la réputation d’autrui", ce qui ne veut strictement rien dire, aucune incrimination pénale ne relevant de ce nom.

Madame Noakovitch, qui, il est vrai, il y a quelques mois criait "montez dans le train, je suis le train" annonce : "je peux les poursuivre en action civile pour trouble illicite". Encore une fois, c'est faux, la mention "faire cesser le trouble manifestement illicite", ne correspondant pas à une infraction ou à un régime spécial de responsabilité, mais renvoyant à une notion que l'on trouve sur les ordonnances de référé (c'est à dire les ordonnances qui prennent des mesures d'urgence et provisoires), mais pour cela, il faut qu'il y ait un fait principal (en l'espèce la diffamation) qui soit assez évident. Et, surtout, que, les faits ne soient pas prescrits.

De l'instrumentalisation des procédures judiciaires

C'est une impression tenace, mais sans doute fausse, bien entendu, que par delà des erreurs de fond et de forme, les actions intentées dans les deux cas d'espèce ont pour vocation de "museler" des oppositions ou des critiques trop vives.

Si tel devait être le cas, il serait utile, pour les victimes des agissements de ces personnes, d'intenter, conséquemment au rejet des actions principales en diffamation, une action en dénonciation calomnieuse, pour rappeler que la justice, n'en déplaise à certains, à horreur de se voir instrumentaliser...

 

 

8 juin 2000

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